La Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne ( CDFUE) qui a la même valeur que les Traités ( TUE, art.6) rappelle que tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.
Les Directives n°93/104/CE du 23 novembre 1993 et n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 « concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail » prévoit en son article 7 que les états membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
De nombreuses jurisprudences de la CJUE ont été rendues sur l’article 7, et notamment une jurisprudence de la CJUE, Grande Chambre du 20 janvier 2009, Gerhard Schultz-Hoff contre deutsche Rentenversicherung Bund, (C-350-06) qui rappelle que « la finalité du Droit a congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. » ou encore CJUE du 20 janvier 2009, C-350/06 et C-520/06, ou encore CJUE du 6 novembre 2018, C-684/16 et CJUE du 6 novembre 2018 , C6569/16 et C570/16.
La Directive 2003/88 n’opère « aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du Travail en vertu d’un congé de maladie de courte ou de longue durée, pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. »
De même, « s’agissant de travailleurs en congé de maladie dûment ^rescrit, le droit à congé annuel payé conféré par la Directive 2003/88 elle-même à tous les travailleurs (…) ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat ».
Les travailleurs absents pour cause de maladie, situation imprévisible et indépendante de leur volonté, ne sauraient être exclus du droit aux congés payés. Le Droit aux congés est un droit fondamental et de tout travailleur.
Dans plusieurs arrêts de la Chambre Social de la Cour de Cassation du 13 septembre 2023, pourvoi n°22-17.638, n°22-17.340, n°22 -11.106 et n°22-10.529, publiés au bulletin, la Cour de cassation a considéré qu’il résultait de la jurisprudence de la Cour de justicede l’Union Européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents au travail en vertu du congé de maladie pendant la période de référence et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période.
Il s’ensuit que, « s’agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence. »(CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009 ; C-350/06, CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, C6282/10).
De même, il sera rappelé que par arrêts du 6 novembre 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé qu’en « cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale à en assurer la conformité avec l’article 7 de la Directive 2003/88/CE et l’article 31, paragraphe 2 de la Charte de Droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée ». Cette obligation s’impose à la Juridiction nationale… « lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d’autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier ».
Il découle des arrêts du 13 septembre 2023, les trois nouvelles règles prétoriennes suivantes :
-les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle,
-en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congés payés ne sera pas limité à la première année de l’arrêt de travail,
-la prescription du droit à congés payés ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
Ainsi, par ces arrêts du 13 septembre 2023, la jurisprudence Française, s’est mise en conformité avec le droit communautaire qui s’attache davantage au droit à congés payés en qualité de travailleur et relègue au second plan la question de l’exercice effectif d’une activité.
Plusieurs Cour d’Appel se sont alignées sur la solution de la Cour de Cassation et ont prononcées des condamnations rétroactives (CA PARIS, 27 septembre 2023 RG n°21/01244, CA PARIS 12 octobre 2023 RG n°20/03063, CA REIMS 18 octobre 2023 RG n°22/01293).
Enfin, dans le conclusif de son arrêt n°22610.529, la haute Juridiction a retenu :
« … Il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombaient légalement.
Lorsque l’employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombaient légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer son droit à congé. »
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 novembre 2003 par la Cour de cassation ( chambre sociale, arrêt n°2124 du 15 novembre 2023) d’une question relative à la conformité aux droits et aux libertés que la constitution garantit de l’article L3141-3 du Code du Travail et du 5ème de l’article L3141-3 du même code.
Le Conseil constitutionnel a conclu que les dispositions constatées qui ne méconnaissent ni le droit à la protection de la santé, ni le principe d’égalité devant la Loi, ni aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit doivent être conformes avec la constitution ( décision n°2023-1079 QPC du 8 février 2024).
Le Conseil d’état a été saisi par le premier ministre d’une demande d’avis portant sur la mise en conformité avec le droit de l’Union européenne des dispositions du Code du Travail en matière
Dans son avis du 13 mars 2024, le conseil d’état a rappelé que les normes européennes et internationales garantissant un droit à congé annuel payé de 4 semaines, et que selon la Cour de Justice de l’Union Européenne ( voir arrêt du 24 janvier 2012 Dominiguez C282/10), l’article 7 de la Directive 2003/88/CE )concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ne fait pas obstacle « à une disposition nationale prévoyant selon l’origine de l’absence en congé maladie, une durée de congé payé annuel supérieure ou égale à la période minimale de quatre semaines garantie par cette directive ».
Le Conseil d’état considère que seule s’impose à lui, l’obligation de garantir que les dispositions relatives aux absences en raison de maladie non professionnelle n’ont pas faute de permettre l’acquisition de droits à congés pour conséquence de priver un salarié d’au moins quatre semaines de congés annuels.
De même, le conseil d’état considère que le dispositif de calcul des droits à congés acquis au cours d’une période d’absence pour maladie non professionnelle ne peut être appliqué pour le passé sans être encadré : le calcul des droits à congés non définitivement acquis résultant d’absences pour maladie non professionnelles survenues lors de période de référence doit permettre d’atteindre vingt quatre jours sans pouvoir le dépasser.